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Greta et Rima sont dans un bateau

 

C’est à une falsification exemplaire que se sont livrées, il y a peu, la “Fifi Brindacier” du climat et la houri du Hamas, mesdames Greta Thunberg et Rima Hassan en partant en croisière plus médiatique qu’humanitaire sur un voilier affrété par un important soutien du Hamas, organisateur des massacres du 7 Octobre, la jeune Asperger ayant d’ailleurs manifesté bruyamment sa joie, à Berlin, lors d’une manifestation de soutien aux assassins, y affirmant son antisémitisme ; il ne fait aucun doute que son ancêtre, qui fut prix Nobel, doit encore virevolter dans sa tombe.

Dans cette opération qui illustre parfaitement la parole d’un politicien du Hamas, « il est plus important d’emporter des caméras que des vivres », tout est faux.

Entourées de militants, de la même eau, à la naïve sincérité, elles sont parties avec quelques barils de farine à l’assaut d’un blocus alimentaire qui n’existait plus, 10 millions de repas étant quotidiennement livrés par camion à Gaza depuis le 26 mai, et pour briser celui reconnu par l’ONU depuis 2017, en accord avec l’Égypte, pour empêcher le mouvement terroriste de s’armer.

Greta Thunberg, dont le destin médiatique qui se refermait, ressemblant à celui du chanteur Jordi exploité par ses parents, a connu un rebond quand elle a embrassé la cause palestinienne et plongé dans un sordide antisémitisme militant très actif. Elle a arboré sur ce navire quasiment fantôme, dont l’ombre portée médiatique est bien plus importante que la réalité de ce qu’est cet esquif de luxe, et fait dorer ses rares éphélides tandis que sa comparse jouait la Pythie en se prédisant un destin aussi funeste que glorieux à base de missiles israéliens.

Ce navire empli de héros se voulant sacrificiels, à condition que cela se fasse sur les chaînes d’information permanente à une heure de grande écoute, et encore, a fait une rencontre : un quasi-radeau de migrants somaliens cachectiques et dénutris, qu’une famine, d’ailleurs déclarée par l’ONU, et une guerre civile qui a fait plus de 60 millions de morts ont jetés à la mer. Nos héros les ont accueillis quelques brefs instants sans les sauver. Partager avec des faméliques leur confortable pitance ou écorner les maigres et symboliques provisions destinées aux Palestiniens paraissait au-dessus de leurs forces. Et puis ces cadavres ambulants à la peau noire ne faisaient pas très bien sur la photo, semble-t-il. Alors, plutôt que de les rejeter à la mer, il ne faut quand même pas pousser, n’étant pas à une abjection prés, on les a remis à Frontex. Cet organisme que les militants de LFI dénoncent comme criminel et même nazi. On en vient à se demander, comme Caroline Fourest, ce qu’ils auraient fait d’Anne Frank, quand elle était cachée dans un placard…

Croisière du rien

Cette croisière du rien, qui s’est conclue par une remise de sandwiches et de bouteilles d’eau, si sa réalité était révélée, ne devrait faire que le bruit d’une bulle dans un verre d’eau.

Aussi a-t-il fallu agiter la caisse de résonance médiatique en se disant otages pendant quelques heures de l’armée israélienne, sans un mot de compassion ni même une pensée pour ceux qui croupissent dans les tunnels du Hamas. Mais il est vrai que pour elles, le 7 Octobre était un événement joyeux.

Et les fidèles ont marché. Cela d’autant plus facilement que ce qui se passe à Gaza est maintenant intolérable et semble le seul et dérisoire moyen pour le Premier ministre d’Israël, seule démocratie, certes imparfaite de la région, de ne pas aller en prison.

Mais au moins, face à ce désastre humanitaire, et sans être dupe de leurs intentions affichées ou cachées, elles ont tenté quelque chose et ce n’est qu’ainsi, en gardant le drame sur le devant de la scène et en pleine lumière, qu’on en hâtera la fin.

Greta Thunberg a été accueillie dans son pays en fanfare par une poignée de militants partageant sa cécité. Rima Hassan a retardé son expulsion pour ne pas gâcher l’impact médiatique et en redoubler les effets.

Il est certain que, telle une rock star, elle va maintenant entamer, dans la perspective des municipales, une tournée qui sera triomphale dans les quartiers où le lider maximo a déjà dit qu’il fallait porter l’effort, ces quartiers où, en les maintenant dans la stigmatisation, on obtiendra les voix des habitants.

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La gauche veut capitaliser sur la colère

 

 Jean-Luc Mélenchon, qui fait de la colère son fonds de commerce, entraîne dans son sillage les partis de gauche. Prudent, le RN préfère garder ses distances.

 

En ouverture de la saison des universités d’été, les partis de gauche se voient imposer le tempo par l’Insoumis Jean-Luc Mélenchon. Sans doute frustré d’avoir mal anticipé la jacquerie des Gilets jaunes, le triple candidat à l’élection présidentielle s’est lancé dans un grand numéro de récupération de la mobilisation citoyenne « apolitique » du 10 septembre.

Les écologistes sont les premiers à lui avoir emboîté le pas. La secrétaire nationale, Marine Tondelier, annonce que les Verts se joindront à la mobilisation « dans le respect de l’initiative populaire ». Les communistes suivent la cadence. Officiellement, leur prise de position est attendue lundi en comité exécutif, officieusement elle ne fait aucun doute. « On souhaite accompagner tous les mouvements sociaux contre la politique d’austérité de François Bayrou », glisse Hélène Bidard, adjointe PCF à la mairie de Paris.

Le Parti socialiste, toujours dans l’aspiration de Jean-Luc Mélenchon, sera lui aussi de la partie. Après avoir longtemps marqué sa réserve face à cette nébuleuse qui appelle à « tout bloquer » le mercredi 10 septembre pour protester contre le plan d’économies proposé par le Premier ministre, Olivier Faure a fini par trancher : le parti à la rose doit s’associer à la mobilisation pour lui « offrir un débouché politique ». Pour autant, en interne, certains camarades de gauche ne se reconnaissent pas forcément dans un mouvement aux slogans souverainistes. « Se mobiliser pour lutter contre le budget et pour la justice sociale ne me pose aucun problème, mais le faire sous l’égide de slogans populistes comme ‘‘C’est Nicolas qui paie’’ et de revendications antiparlementaristes, non merci », souffle le député socialiste Pierrick Courbon. D’autres redoutent de se faire piéger par les Insoumis : « LFI ne doit surtout pas suivre son calendrier électoral », prévient la communiste Hélène Bidard qui s’inquiète de voir le mouvement apolitique se muer en « révolution citoyenne ». Dans les groupes de messagerie qui coordonnent la journée du 10 septembre, les accusations en récupération fleurissent : « Les Insoumis sont en train d’accaparer notre mouvement et ça risque de tourner uniquement en débat sur la motion de censure », peste une anonyme. « C’est une catastrophe. On va dégoûter beaucoup de monde si on s’aligne sur eux », abonde un autre.

En observateurs prudents, les élus macronistes s’interrogent… Au sein du bloc central, les interrogations affluent sur la nature de cette mobilisation : « Les partis n’arrivant plus à imprimer, ils essaient de récupérer les mouvements populaires, mais, ce faisant, ils les affaiblissent », observe le député MoDem Richard Ramos. « On n’est pas à l’abri de voir des Insoumis ou autres personnalités de gauche se faire sortir des manifestations, car les gens n’aiment pas se faire manipuler », anticipe ce proche de François Bayrou.

Enfin, le Rassemblement national choisit de rester à distance d’un mouvement mal identifié. « Notre attitude est simple : lorsque nous n’organisons pas la mobilisation, nous n’y participons pas, par respect », explique le porte-parole du RN Laurent Jacobelli. En réalité, le parti lepéniste a hésité. Mais voyant le chef d’orchestre (Jean-Luc Mélenchon) récupérer la symphonie du mouvement et les cymbales (écologistes, communistes et socialistes) retentir, il a préféré piler. « La mobilisation ayant été pervertie, elle n’aboutira à rien », prédit le député de la Moselle. Verdict le 10 septembre.

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Comme la comtesse du Barry, le Premier ministre implore un répit avant de tomber. Mais, il ne s’agit pas seulement de la fin d’un gouvernement, plutôt de la fin d’un système.

 

C’est fini. Elle sait que rien ni personne ne viendra la sauver. Condamnée à mort pour intelligence avec l’ennemi, la Du Barry a imploré son tortionnaire jusqu’au dernier moment. La tête sur l’échafaud, Jeanne Bécu, connue comme la comtesse du Barry, dernière maîtresse du roi de France Louis XV, aurait dit : « Encore un instant, monsieur le bourreau. » La seconde d’après, le couperet a mis un terme brutal à une vie de luxure, de libertinage et de gourmandises en tous genres. Après son exécution, la supplique de la dernière favorite de l’Ancien Régime traversa les siècles et resta dans les annales. Une ultime requête que je pense parfaitement adaptée à notre situation politique actuelle. Le Premier ministre pourrait très bien la reprendre à son compte avant l’épreuve reine du budget.

Demander un ultime répit à ses « bourreaux » de gauche et peut-être de droite est la seule chance qu’il reste à François Bayrou pour se maintenir encore quelques mois à Matignon, même si plus personne n’y croit vraiment. Bayrou passera-t-il l’automne, font mine de s’interroger la plupart des éditorialistes alors que les députés du bloc central sont déjà en train de préparer leur reconversion dans les affaires ou d’autres domaines très éloignés de la politique. Quant à Emmanuel Macron, qui a d’ores et déjà affirmé qu’il ne comptait pas dissoudre de nouveau en cas de censure du gouvernement car il souhaite assurer la stabilité du pays dans un contexte géopolitique particulièrement volatil, son argument pourrait prêter à sourire si la situation n’était pas aussi grave. Rappelons que lorsque le président a dégainé cette arme nucléaire constitutionnelle, le contexte international était tout aussi inflammable.

Ceci nous amène à ce qui me semble être le véritable sujet du débat public : doit-on s’interroger sur la fin d’une équipe gouvernementale ou plutôt sur la fin d’un système ? La crise de régime est latente depuis bien trop longtemps. Si François Bayrou tombe, il sera remplacé par Sébastien Lecornu, actuel ministre des Armées, croient savoir de nombreux macronistes ignorant que le sujet n’est plus tant un remplacement de Premier ministre qu’un indispensable changement de fond en comble.

Les oppositions jouent le même jeu, en faisant étalage de leurs émois narcissiques sans penser à l’intérêt général. Tous savent pourtant que les maux de la France sont structurels et que ce n’est sûrement pas le budget tel qu’annoncé qui permettra une quelconque amélioration. « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître », comme le disait Gramsci. En attendant, l’État régalien ne remplit plus ses missions premières et l’État-providence se retrouve enseveli sous les gravats d’une société totalement sous perfusion. Et ce n’est pas le prochain gouvernement qui annoncera un changement de paradigme. Quelle que soit la composition de l’équipe du futur locataire de Matignon, elle ressemblera à une équipe défaite à l’entrée des vestiaires. Quant à l’Assemblée nationale, elle restera encore longtemps en flottaison entre les fonds et les bas-fonds.

Et les Français dans tout ça ? Ils sont pour la plupart étrangement captifs d’un songe flou entouré de nuages cotonneux. Beaucoup de citoyens cultivant une sorte de foi naïve, même s’ils sont enfermés dans un désarroi nauséeux, restent convaincus que la France finira par recouvrer sa grandeur. Certains croient encore aux lucioles enchantées et à l’homme providentiel. Il est vrai que la France ne saurait être la France sans la grandeur. Et je comprends tous ceux qui entretiennent les braises de l’espoir sous les cendres de la noble politique. Hélas, le temps de la grandeur me semble complètement révolu dans notre société éreintée. Reste la beauté, comme le préconisait la Du Barry. Plutôt que de se refaire une santé, le pays pourrait aspirer à se refaire une beauté. Dostoïevski disait que la beauté sauvera le monde. Peut-être qu’elle sauvera la France.

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Inventif 

et scandaleux : les 

complexités de 

Thierry Ardisson

 

Beaucoup lui reprochent d’avoir bousillé la sacralité des hiérarchies. Il avait aussi un sacré flair, une créativité sans entraves et le sens du transgressif.

 

L’homme en noir, Thierry Ardisson, n’est plus. « J’ai envie qu’on dise : “Putain, ce mec-là, il avait des idées.” » Cette épitaphe hors morale, hors hagiographie dégoulinante, hors litanie des « dérapages » lui ressemble. Et des idées, il en avait, avec une unique boussole quand il débarque à 19 ans dans la capitale : « Gagner de l’argent et être célèbre. » Cela passe d’abord par la publicité où il excelle avec des formules qui résonnent encore si familière (« Ovomaltine, c’est de la dynamite », « Lapeyre, y en a pas deux », etc.) mais où l’ennui finit par le gagner. Et c’est la télévision qui devient son terrain de créativité. Tout est alors à bousculer, tout est à créer et comme tous ceux qui n’ont rien à perdre tant ils sont persuadés de n’avoir qu’à gagner en n’étant pas issu du sérail, n’ayant pas passé une enfance entourée d’intellectuels, de célébrités d’un jour ou de toujours, de n’être tenu par aucune fidélité et de ne rien devoir à ceux qui sont installés. Alors il compose de l’inédit, chahute, transforme une interview en thérapie, met mal à l’aise, les jeunes premiers et les vieux de la vieille.

 

De Bains de minuit à Salut les Terriens en passant par Paris Dernière et Tout le monde en parle, il bouscule, il hérisse. Il se dit royaliste, il joue au dandy d’avant-hier et attrape pourtant au vol les désirs de son temps. Des années plus tard, j’ai revu l’antiportrait chinois de Serge Gainsbourg (1989), où les questions dérangeantes d’Ardisson révèlent à travers les réponses, provocantes et ironiques de Gainsbourg, l’intime d’un homme, disant ses obsessions de la mort, le port de l’étoile jaune, le rejet de la laideur, les cicatrices à jamais béantes. Quel journaliste et quel artiste accepteraient aujourd’hui un tel dévoilement, un tel échange où aucun communicant n’est intervenu, où, soudain, il n’est plus question d’une émission de télévision, cette boîte à rendre bête, mais d’une discussion aussi impromptue qu’intime comme captée par hasard au détour d’un bar enfumé ? De la manipulation ? D’accord. Mais un journaliste ne fait-il jamais autre chose au cours d’une interview ?

Beaucoup reprochent à Ardisson d’avoir introduit la médiocrité, la télé-poubelle, d’avoir consciencieusement bousillé la sacralité des hiérarchies (en mars 2001 le « et sucer, c’est tromper ? » posée à l’ancien Premier ministre Michel Rocard qui, déstabilisé, avait fini par répondre « non plus »), d’avoir été le premier à faire cohabiter « une star, un infréquentable, un écrivain et une tête de Turc », d’avoir invité Thierry Meyssan le théoricien du complot sur le 11 Septembre sans contradicteur, lui permettant d’exposer ses théories conspirationnistes (ce qu’Ardisson reconnaîtra plus tard comme une « vraie connerie »), d’avoir mis l’immense Salman Rushdie face à un Samy Naceri voyou qui justifie sa mise à mort, d’avoir maltraité les femmes (Milla Jovovich, Christine Angot, Lio, Dorothée, etc.), mais pas davantage que les hommes, qui tous revenaient pourtant docilement pour exister encore. Et pour finir, il y a quelques semaines à peine, comme invité cette fois, à sortir cette énorme connerie « Gaza, c’est Auschwitz » sans que personne ne vienne le contredire. Il y avait aussi chez Ardisson un appétit pour la mise à nu de la nature humaine, une aspiration à faire apparaître une vérité derrière l’artificialité des personnages publics.

Ce n’est pas Thierry Ardisson qui a inventé la télé-poubelle, il a inventé la télévision moderne avec davantage de talent que les autres. La question Thierry Ardisson, c’est celle de l’œuf ou de la poule, et je sais que bien des amis chers à mon cœur me tiendront rigueur de ne pas réduire l’homme en noir à l’odieux personnage opportuniste qui aurait participé à la baisse du niveau intellectuel. Il avait un sacré flair, une créativité sans entraves, un sens inné du transgressif, une absence de limites, une passion inépuisable pour la nouveauté. Ardisson était un homme complexe, fait de couches contradictoires. Pardonnez-moi d’avoir du respect pour les indisciplinés, ceux qui sortent du rang comme l’écrivait Alfred Jarry : « L’indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres. » 

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Pour s’éloigner des soubresauts de l’actualité, je partage mes lectures estivales et celles de mes voisins de parasols. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai qui tu es.

 

Les lectures d’été sont comme les figures libres en patinage artistique. Elles permettent, dans un court laps de temps, d’exprimer sa véritable personnalité loin de tout programme imposé. Le choix des livres que nous emportons à la plage ou à la montagne lors de la période estivale dit beaucoup de qui nous sommes. Dis-moi ce que tu lis en vacances, je te dirai qui tu es, ou plutôt qui tu aspires à être.

À quelques mètres de mon transat, une jeune trentenaire dévore le dernier récit de Sylvain Tesson, Les Piliers de la mer, qui raconte la découverte par l’écrivain voyageur des dernières terres inviolées par l’homme, les fameux stacks. De l’aiguille d’Étretat aux îles Féroé, ma voisine éphémère s’évade et virevolte au large des falaises gorgées d’embruns. J’en conclus qu’à force de naviguer en basse altitude, sans doute à cause d’un métier chronophage et d’une vie plan-plan, une telle lecture d’été symbolise un besoin criant de robinsonnade. Autre hypothèse, la jeune femme est, en réalité, une véritable aventurière momentanément égarée sur cette plage de sable fin au sud de la Méditerranée. Pressée de voir ailleurs et de voir loin, je l’imagine alors préparant son prochain voyage au bord du monde. Peut-être a-t-elle prévu de partir vers les plaines de Sibérie ou dans une vallée d’un affluent du Mékong. Dans ce cas, sa lecture de l’ouvrage de Tesson prend une tout autre dimension. Comme lui, elle ne se contente pas de jouer dans sa chambre. Comme lui, elle s’adonne au même rituel de l’élévation par la découverte. Comme lui, elle cherche la beauté en risquant sa vie sur une ligne de crête. Psychologie de comptoir me direz-vous, alors que je ne sais rien de cette femme. Sans doute. J’aime m’acharner à deviner la personnalité des inconnus sur la plage.

Un peu plus loin, sur la troisième rangée de parasols sur la gauche, un couple d’une soixantaine d’années a ramené un tombereau de livres. Planquée derrière mes lunettes noires sous un soleil blanc, j’observe le mari soulever ostensiblement chaque couverture entre ses mains comme pour mieux compenser un manque. Il parle fort et commente chaque ligne à sa femme qui fait mine de l’écouter. Il évoque une mutation profonde du monde et cite pêle-mêle Trump, Poutine et Xi Jinping comme s’il avait dîné avec eux la veille. Il dénonce à présent avec assurance les idéologues de la Maison-Blanche et les nouvelles élites qui veulent fabriquer des empires. Pourquoi ce besoin d’affichage bruyant ? Je pourrais disserter des heures sur ce genre de personnage de romans à l’eau de rose mais je préfère arrêter là mon jeu estival favori et sa cohorte de conclusions hâtives pour me concentrer sur ma propre lecture.

En ce mois d’août, j’ai ressenti le besoin de me replonger dans l’œuvre d’un écrivain que j’ai eu la chance de côtoyer et dont j’ai toujours admiré le panache, Denis Tillinac. Son écriture charnelle imbibée des grands moments de l’Histoire dessine les contours de la France que j’aime, celle qui ne s’excuse pas d’être elle-même. Que dit cette lecture de ce que je suis ? Je ne me risquerai pas ici à l’exercice périlleux de l’autoportrait mais une chose est sûre, j’avais besoin de l’univers de Tillinac pour m’éloigner des soubresauts de l’actualité.

Au moment où je referme le Dictionnaire amoureux du Général (de Gaulle), une dépêche AFP s’affiche sur mon téléphone. Il est question de la polémique autour de l’annulation de la projection du film Barbie dans un quartier de la ville de Noisy-le-Sec. Le maire communiste Olivier Sarrabeyrouse s’indigne de l’ampleur de la polémique et cible le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (sic !). Il est écrit que cette projection a été annulée sous la pression d’un groupe de jeunes habitants. Plusieurs médias évitent soigneusement de nommer ce petit groupe d’habitants qui n’est autre qu’un nième noyau d’islamistes fondamentalistes faisant désormais la loi en France. Le film woke de Greta Gerwig a été accusé par ces extrémistes de mettre en avant des histoires de personnages lesbiens, gays, bisexuels et transsexuels. La preuve s’il en fallait encore une que les wokistes et les islamistes finiront par s’entredévorer. Et je ne donne pas cher des premiers.

En attendant, lire ou relire à la plage ou ailleurs Denis Tillinac est un formidable antidote à cette actualité plombante. Rien de mieux qu’un écrivain qui vénère dans un même élan la chevalerie, la légion étrangère, l’âme française, de Vercingétorix aux poilus de Verdun ! Nous sommes très loin de Barbie Land. Et ça fait du bien, au moins le temps d’une parenthèse.

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Lire du 

Développement

personnel  sur la 

plage ne vous rendra 

pas plus heureux

 

Bavards et faussement bienveillants, ces manuels véhiculent plusieurs illusions. Mieux vaut ne pas s’y plonger.

 

L’été revient avec ses serviettes bariolées, ses parasols chancelants et ses lectures « inspirantes ». Sur les plages, les livres de développement personnel s’empileront : « Devenir impactant en quelques semaines », « ce qui vous empêche d’être vous-même », « devenir soi », « les secrets d’un bonheur durable », etc. Ces manuels promettent une existence optimisée, réconciliée avec elle-même, délivrée de ses contradictions. Mais avant de céder à ces mirages brochés, rappelons quelques-unes des illusions qu’ils véhiculent pour éviter d’y plonger.

La première est l’illusion volontariste. Les bibles du développement personnel nous font croire par démagogie qu’il suffirait de désirer ardemment une chose pour qu’elle advienne. Le développement personnel insiste sur le pouvoir de la volonté, comme si celle-ci pouvait transformer tout rêve en réalité. Faire preuve de détermination est une chose ; sombrer dans le volontarisme en est une autre. Ici, le développement personnel confond l’intentionnalité et la causalité. Avoir l’intention de réussir n’implique pas mécaniquement que cette intention produira des effets. Entre l’intention et la causalité s’interposent le réel et ses résistances. Cette confusion prépare non pas la réussite, mais la culpabilité : si nous échouons, c’est que nous n’aurions pas voulu suffisamment. Une logique cruelle, car nous voilà responsables de tout, même de nos échecs. Alors face au mythe du volontarisme tout-puissant, souvenons-nous de Spinoza : « La volonté seule ne suffit pas à faire mouvoir le monde. »

Par ailleurs, le développement personnel nous invite à nous chercher en nous-mêmes. Le « retour à soi » y est sacralisé. « Trouver son moi profond », viser « l’alignement avec soi-même », et le « devenir soi » comme disent ses thuriféraires, résiderait dans une introspection minutieuse. Tout se passerait dans l’introspection. Mais cette croyance repose là encore sur une confusion. Celle qui existe entre la connaissance de soi et l’expérience de soi. Connaître ses pensées n’équivaut pas à se sentir exister. Se replier sur soi, c’est risquer de se perdre dans le labyrinthe du moi. C’est surtout l’épreuve du dehors – rencontre, action, engagement – qui donne chair au sentiment d’exister. Plus nous nous confrontons au monde, plus nous éprouvons la sensation d’être nous-mêmes. Alors face à l’injonction du repli intérieur, sollicitons également Hegel : « C’est dans l’extériorisation que le moi devient véritablement lui-même. »

Enfin, le développement personnel tombe systématiquement dans le piège de l’hyper rationalisation. Il nous persuade qu’émotions, relations, authenticité, bienêtre, confiance en soi et l’ensemble des aspects de la personnalité qu’il aborde, seraient une question de gestion, d’objectifs et de planification. Cette logique gestionnaire nous pousse à traiter notre vie comme une composition abstraite, un système d’objectifs, quand elle exige au contraire une intelligence d’action, une capacité pragmatique à improviser et décider dans l’incertain. Là encore, le développement personnel commet une confusion entre la rationalisation et l’intelligence d’action. Rationaliser, c’est préférer le plan à l’action, la méthode au mouvement, ce qui peut parfois mener à la fiction d’une maîtrise totale de soi. Alors face à l’hyper rationalisation, préférons plutôt Nietzsche : « Sous toute pensée gît un affect. » Ce n’est pas uniquement l’esprit qui commande, mais le corps, les émotions, les forces souterraines.

Le développement personnel n’est donc qu’un compagnon de plage : bavard et faussement bienveillant, il promet tout, confiance, bonheur, authenticité et déroule son catalogue de solutions miracles… tout en nous laissant souvent plus secs que le sable sur lequel nous sommes assis. Il a l’art d’enfermer chacun dans des postures et des méthodes qui font de l’existence une suite de procédures à suivre et d’objectifs à atteindre. Mais la liberté n’est pas un protocole ni une obéissance à un mode d’emploi de soi-même, c’est vivre sans chercher à se conformer à quelque « meilleure version » que ce soit. A qui chérit la liberté, le développement personnel apparaîtra toujours pour ce qu’il est : un dressage discret.

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Le libre arbitre n’existe pas 

 

 

Préambule.

 

Dans cet article volontairement provocant, j’entends démontrer que le libre arbitre est une illusion, soulignant à quel point nos décisions et actes sont influencés par la génétique, le milieu socio-économique ou les hormones. Dans mes mots, les conséquences sociales des connaissances qui s’accumulent sont vertigineuses, car cela signifie que personne ne devrait plus être tenu responsable pour son comportement, en bien comme en mal. Néanmoins, dans une approche humaniste, j’assure que cette idée de déterminisme est profondément libératrice pour la plupart des individus.

 

 

 

Le libre arbitre obsède les philosophes depuis des siècles. Mais, selon vous, nous aurions aujourd’hui suffisamment de preuves scientifiques pour savoir que nous sommes déterminés dans n’importe laquelle de nos décisions… 

 

Nous comprenons aujourd’hui suffisamment l’influence du cerveau, des hormones, des gènes, de l’environnement précoce ou de la culture sur le comportement des gens. Désormais, cela ne devrait plus être à quelqu’un comme moi de prouver que le libre arbitre n’existe pas, mais plutôt à des philosophes de démontrer comment un tel libre arbitre pourrait fonctionner avec toutes les connaissances que nous avons accumulées au XXIe siècle, entre génétique, neurosciences, endocrinologie ou biologie évolutive.

 

 

On oppose souvent l’inné à l’acquis. Or vous rappelez à quel point les gènes comme l’environnement nous déterminent tous les deux…

 

Il y a une tentation, notamment aux Etats-Unis, de tout expliquer par les gènes. Mais sur le plan biologique, le rôle des gènes n’a aucun sens sans le contexte de leurs interactions avec l’environnement. 

Par exemple, un variant du gène dont la protéine décompose la sérotonine augmentera votre risque de comportement antisocial, mais seulement si vous avez été gravement maltraité pendant votre enfance. Un variant d’un gène du récepteur de la dopamine vous rend plus ou moins susceptible d’être généreux, selon que vous avez grandi avec ou sans attachement parental sécurisé. Différents environnements provoquent ainsi différents types de changements épigénétiques dans le même gène.

 

 

En quoi les hormones ont-elles une influence fondamentale sur nos décisions ?

 

Vous êtes un courtier en Bourse, et vous devez prendre une décision importante concernant le marché. Si, à ce moment-là, votre taux de testostérone est élevé, vous avez plus confiance en vous, vous êtes plus impulsif et plus susceptible de prendre des risques. 

Très souvent, le résultat peut s’avérer désastreux. Et cela relève entièrement du cortex préfrontal, qui est central dans les fonctions exécutives de la prise de décision.

 

A l’inverse, si votre taux de cortisol, la principale hormone du stress, est élevé, là encore sans que vous le sachiez, cela vous rendra plus réticent à prendre des risques. 

Si votre taux d’ocytocine est élevé, celle-ci améliore la confiance, la sociabilité et la reconnaissance sociale. 

Si quelqu’un en qui vous avez confiance vous dit que c’est une bonne idée d’investir, vous serez donc plus enclin à le faire.

 

Le point important est la nature mécaniste de tout cela. Selon le moment où vous vous situez dans votre cycle ovulatoire, que ce soit au milieu de la nuit ou en plein jour, que quelqu’un vous ait donné une merveilleuse accolade qui vous fait encore frissonner ou que l’on vous ait lancé un ultimatum menaçant qui vous fait encore trembler, les rouages de votre cortex préfrontal fonctionneront différemment.

 

 

Vous rappelez que même des différences culturelles apparues il y a des millénaires influencent nos comportements…

 

L’un des contrastes les plus étudiés concerne les cultures « individualistes » et « collectivistes ». 

Les premières mettent l’accent sur l’autonomie, la réussite personnelle ou les droits de l’individu, comme aux Etats-Unis ; les secondes prônent l’harmonie et le conformisme, comme en Asie de l’Est.

D’où viennent ces différences ? 

Les explications standards de l’individualisme américain mettent en avant le facteur de l’immigration. 

À l’inverse, l’explication standard du collectivisme est-asiatique est la riziculture, qui exige un travail de groupe pour les terrasses, l’irrigation ou la récolte.

Une exception fascinante concerne certaines régions du nord de la Chine où l’on cultive du blé plutôt que du riz. Les personnes issues de ces régions céréalières, y compris les petits-enfants d’agriculteurs qui étudient à l’université, sont aussi individualistes que des habitants de New York.  

Un chercheur a même mené une expérience très amusante en plaçant deux chaises pour bloquer le passage dans un Starbucks à Pékin. Les Chinois issus de régions rizicoles s’adaptent et évitent les obstacles, contournant ces deux chaises pour passer. A l’inverse, les habitants des régions où l’on cultive le blé écartent les chaises. Même deux générations plus tard, cette empreinte culturelle est toujours là.

 

 

On distingue souvent facteurs sociologiques et biologiques. Mais vous soulignez que même le statut socio-économique influence la neurobiologie…

 

En maternelle, le statut socio-économique de la mère est un déjà un facteur prédictif de la maturation du cortex préfrontal de l’enfant. 

A l’âge de 5 ans, simplement parce que vous avez fait le « choix » stupide de naître pauvre plutôt que riche, votre développement cérébral, en moyenne, en porte déjà des signes. Le faible statut socioéconomique d’une femme enceinte ou d’une femme vivant dans un quartier à forte criminalité prédit même un développement cortical moindre au moment de la naissance du bébé. 

Face à de telles découvertes, il est de plus en plus difficile de soutenir que nous serions responsables des réussites ou échecs de notre vie, et que nous méritons d’être récompensés ou blâmés pour cela…

 

 

En quoi l’évolution de nos connaissances et de nos perceptions au sujet de la schizophrénie, l’épilepsie ou l’autisme sont-elles une source d’inspiration ?

 

On pense souvent que si les gens ne méritaient pas d’être punis ou récompensés pour leurs actions, cela serait la catastrophe sur le plan social. Mais nous l’avons déjà fait auparavant. 

En 1981, un jeune homme atteint de schizophrénie paranoïde, John Hinckley, a tiré sur Ronald Reagan. Quand le jury l’a déclaré non coupable pour cause d’aliénation mentale, le pays a protesté contre le fait qu’il s’en soit tiré à bon compte. Hinckley a passé trois décennies dans un hôpital psychiatrique. 

Nous avons longtemps fait de terribles erreurs d’interprétation au sujet des maladies mentales comme la schizophrénie, mais plus personne de sérieux aujourd’hui ne songerait à blâmer des schizophrènes ou leur famille pour cela.

Si quelqu’un a une crise d’épilepsie, vous ne vous direz plus qu’il est possédé par le diable, comme cela a été le cas pendant des siècles. Pourtant, même après les Lumières, on a continué à penser que les patients souffrant d’épilepsie étaient fautifs d’une manière ou d’une autre. 

En 1800, le médecin britannique Thomas Beddoes a par exemple affirmé que les crises d’épilepsie étaient causées par le fait que ces personnes étaient trop sentimentales et lisaient trop de romans. 

Mais aujourd’hui, même si les épileptiques sont toujours victimes de stigmatisation sociale, la plupart des gens dans le monde occidental ont cessé de responsabiliser ou blâmer ces malades. Voilà un progrès époustouflant.. 

 

On observe un phénomène similaire avec l’homosexualité. 

Aux Etats-Unis, il y a encore trente ans, 70 % des Américains étaient opposés au mariage gay. Aujourd’hui, environ 60 % y sont favorables. 

Nous avons socialement compris que l’orientation sexuelle a des facteurs biologiques, et qu’une partie des personnes homosexuelles n’ont tout simplement pas le choix. 

En quelques décennies, il y a eu un changement radical de l’opinion publique. 

Dans un siècle, les sociologues feront des thèses là-dessus.

 

 

La même chose va-t-elle se produire pour l’obésité, dont on connaît aujourd’hui de plus en plus les influences biologiques ?

 

Des études montrent que les niveaux moyens de préjugés implicites et inconscients à l’égard des personnes en fonction de leur race ou de leur orientation sexuelle ont diminué de manière significative depuis une décennie. Le seul préjugé implicite qui s’est aggravé est celui contre les personnes obèses. 

Nous sommes toujours dans un monde où les personnes en surpoids sont discriminées en matière d’emploi ou de logement et blâmées pour une biologie sur laquelle elles n’ont aucun contrôle. Cela va donc être difficile de faire évoluer la société à ce sujet. 

Mais des progrès viendront peut-être des médicaments anti-obésité comme l’Ozempic. 

Des gens qui ont passé des décennies à suivre des régimes sans perdre de poids, qui se sentent mal dans leur peau ou qui se trouvent paresseux (et dont tous leurs amis pensent secrètement la même chose) se rendent compte, grâce à ces médicaments, qu’un simple changement de mécanisme biologique leur fait perdre des kilos.

 

 

Pourquoi êtes-vous si critique de la psychanalyse, qui reste influente en France ?

 

La psychanalyse n’est ni une science, ni même une très bonne religion qui propose une mythologie forte. 

C’est simplement un charabia absurde et nuisible. 

La théorie psychanalytique nous a donné le « maternage réfrigérateur » pour expliquer l’autisme. 

Dans La Forteresse vide, Bruno Bettelheim a assuré que le facteur déclenchant de l’autisme « est le souhait du parent que son enfant n’existe pas ». Concernant la schizophrénie, les psychanalystes ont fustigé des mères rigides, rejetantes et peu aimantes, dominatrices ou anxieuses. 

Freud lui-même s‘intéressait peu à la schizophrénie ou aux psychoses en général, préférant de loin une clientèle distinguée et instruite qui s’inquiétait pour elle-même…

 

 

Parlons des implications sociales.

Selon vous, la méritocratie repose sur un mythe, celui de l’effort qui permettrait de surmonter tous les facteurs biologiques ou sociaux…

 

C’est une question très difficile, à laquelle je réfléchis depuis des années. 

J’ai analysé les conséquences de l’absence de libre arbitre dans le système judiciaire. 

Car, sans libre arbitre, les notions de châtiment et de punition n’ont aucune justification éthique. 

J’ai travaillé sur différents procès criminels aux conséquences tragiques distillées dans l’esprit des jurés.

Simplement, je pense qu’il vaut mieux utiliser un modèle de quarantaine sanitaire : si des personnes sont dangereuses en raison de problèmes tels que le contrôle des impulsions, la propension à la violence ou le manque d’empathie, nous devons protéger la société jusqu’à ce que ces personnes puissent être réhabilitées.

 

En revanche, la question de la méritocratie est bien plus vertigineuse, car elle concerne la société entière. 

Sans libre arbitre, vous ne méritez pas d’éloges pour vos accomplissements. 

Des médecins passent dix ans de leur vie à étudier sans sortir le samedi soir. 

Quand vous faites ça, il est difficile de ne pas penser que vous avez une plus grande valeur morale intrinsèque que d’autres personnes qui n’ont pas fait d’études, et que vous méritez un salaire bien plus élevé qu’un ouvrier.

 

Mais si vous êtes déprimé par l’idée que vos réussites ont des causes qui vous échappent, c’est sans doute que vous avez été mieux traité que la moyenne. 

À l’inverse, pour les personnes qui ont eu moins de chance, ce message est très libérateur. 

Aux Etats-Unis, si vous êtes né pauvre, vous avez statistiquement de fortes probabilités de rester pauvre à l’âge adulte. 

Au moins, ne faisons pas croire à ces gens que n’importe qui peut s’élever socialement ou que n’importe qui peut faire de longues études. 

Aujourd’hui, nous en savons suffisamment sur le plan scientifique pour comprendre que les innombrables personnes dont la vie est moins chanceuse que la nôtre ne « méritent » pas leur sort.

 

 

Que conseillez-vous aux gens si, comme vous le dites, nous sommes loin d’être les maîtres de nos vies ?

 

Ne portez pas de jugement sur les actions d’autres personnes, en pensant comprendre leurs motivations. Car si vous croyez comprendre pourquoi quelqu’un agit de telle façon, c’est que vous vous trompez très certainement… 

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Syrie - Sept ans de solitude

 

Rewriting d’un récent échange avec une amie évoluant dans le domaine de l’humanitaire, me narrant une partie de sa dernière mission en Syrie. 

Texte relu et validé par ses soins.

 

Camp Roj, Nord-Est syrien, 10 juin 2025. La salle a beau être climatisée, la touffeur s’y engouffre au gré des allées et venues des femmes et des enfants. 

J’en reconnais certains. Cette petite fille, qui l’an dernier m’avait demandé si j’habitais dans la tour Eiffel. 

Une femme entre, le visage fermé, collée à sa fille adolescente. Je trouve la gamine très amaigrie. Elle me sourit. Ses dents sont cariées, son visage est comme brûlé. Je leur explique ce que devient Maya, la grande sœur rapatriée deux ans plus tôt. Blessée dans les bombardements, elle avait souffert le martyre jusqu’à ce que sa mère consente enfin à son rapatriement. Mais sans elle et sans la petite. Les deux filles, que quelques années séparent, ont traversé ensemble la guerre et l’enfer des camps. Opérée en France, Maya n’est plus du tout défigurée. Elle a son propre appartement, est autonome, bientôt diplômée ; elle a hésité entre plusieurs formations, petite enfance ou cuisine. 

Je leur tends les photos : Maya sur un scooter, Maya dans un parc, Maya devant son école, Maya dans sa cuisine, Maya tout sourire faisant un cœur avec les doigts. Silence de la mère tandis que la petite sœur s’émerveille. Son corps s’exprime, se libère, elle contemple les images de sa sœur libre de ne plus obéir. La mère l’interrompt d’un geste sec et se lance dans une logorrhée que je connais par cœur. Je l’arrête et me tourne vers l’enfant. Je lui dis que Maya est heureuse, qu’elle lui manque, que ce serait formidable de les voir réunies en France, là, dans cet appartement. 

La mère râle. Je fais mine de ne pas entendre. Mais elle veut en savoir davantage sur Maya, je le sais, et moi seule peux la renseigner. À l’enfant j’explique la France, la vie loin des tentes, de la fange et des puanteurs de pétrole. La vie loin du néant. Elle s’effarouche, fuit mon regard, esquisse un sourire, s’autorise à imaginer. Son visage dans mes mains, je poursuis. Il me reste peu de temps. Je sais qu’elle n’a qu’une envie : quitter ce camp à jamais et retrouver Maya. Ses yeux disent oui. Puis elle pleure. La mère lui ordonne de se lever. Le temps pour moi, devant la gamine, de lui dire les mots qui blessent et qui ne souffrent pas la contradiction. Ceux que la petite doit retenir et qu’elle emportera avec les photos sous cette tente où elle vit depuis sept ans. Sept ans, la moitié de sa vie.

 

Prison d’Alaya, Nord-Est syrien, 11 juin 2025. Adam est le seul Français incarcéré. On l’a emmené de force en Syrie quand il avait 12 ans. Voilà six années qu’il attend que la France le rapatrie. Blessé, usé, épuisé, il redoute d’oublier sa langue. Il est le cousin de Maya. Il a vu son visage défiguré, il sait les souffrances qu’elle a endurées. Devant les photos, lui aussi s’émerveille. Je lui raconte alors la scène de la veille. De mon téléphone, il dit à sa tante : « Tati, c’est Adam. Je sais ce que tu fais dans le camp. Il faut arrêter tout ça. Ça suffit ce cauchemar, pour nous, pour les enfants. On veut rentrer. »

 

15 juin 2025, Paris. Messages du camp Roj. Une autre maman, Maria. Elle attend depuis si longtemps de pouvoir rentrer en France : « Tous les enfants veulent se barrer d’ici. Elles sont toutes en train de les perdre. » Mais que leurs mères le demandent ou pas, la France n’a plus rapatrié le moindre enfant depuis deux ans.

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Les choses de ma vie

Un film sublime, une bande son qui m'a accompagné, écrite par Philippe Sarde et m'a inspiré plusieurs versions sur différents instruments.

Autour du thème, je ne t'aime plus...

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La première est la version de base, claquée en moins de cinq minutes, la dernière plus de dix-sept minutes.

Le thème est respecté du début à la fin de chacun des titres.

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Ensuite, l'inspiration m'a amené à tourner autour d'une blue note que je ne jouais pas et partir vers d'autres univers, emplis de solos.

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Sortir du cadre tout en respectant l'oeuvre, ce qu'offre le jazz et les sentiments qui remontent et guident mes doigts, mon âme...

 

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